Eliud Owalo, Ministry of ICT and the Digital Economy, Kenya

Elliud Owalo, Cabinet Secretary, Ministère des TIC et de l’Economie digitale, Kenya : « Les négociations complexes nécessitent une approche plus stratégique »

Cette interview est disponible en anglais.


Comment le Kenya choisit-il ses partenaires extérieurs pour mener à bien sa stratégie de transformation numérique (Kenya National Digital Master Plan 2022-2032), notamment en matière d'infrastructures et de services numériques ?

Le gouvernement a défini ses principales priorités dans plusieurs documents, notamment le plan directeur économique Vision 2030, le Kenya National Digital Masterplan, le Kenya Digital Economy Blueprint, le Plan (Manifesto), la National ICT Policy 2019 et le Bottom-Up Economic Transformation Agenda. Ces priorités visent à traiter différents domaines, tels que la création d'emplois, l'éradication de la pauvreté et la génération de revenus, en élargissant l'assiette fiscale, la sécurité alimentaire, la réduction du coût de la vie et l'amélioration de la balance des devises.

Le gouvernement a défini ses principales priorités dans plusieurs documents, notamment le plan directeur économique Vision 2030, le Kenya National Digital Masterplan, le Kenya Digital Economy Blueprint, le Plan (Manifesto), la National ICT Policy 2019 et le Bottom-Up Economic Transformation Agenda. Ces priorités visent à traiter différents domaines, tels que la création d'emplois, l'éradication de la pauvreté et la génération de revenus, en élargissant l'assiette fiscale, la sécurité alimentaire, la réduction du coût de la vie et l'amélioration de la balance des devises.

Dans le cadre de ses relations avec les partenaires extérieurs, le gouvernement tient compte de leur contribution à ces priorités de développement. Ces partenariats peuvent prendre différentes formes : collaboration entre gouvernements, engagement avec des partenaires de développement, partenariats public-privé et participation de partenaires privés. En vue d'assurer un financement et une mise en œuvre appropriés de l'infrastructure et des services numériques, le gouvernement suit un processus consultatif et s'est assuré d'une voie de financement. Ce processus implique la passation de marchés et la participation des parties prenantes concernées.

En outre, tous les projets gouvernementaux sont soumis à un processus de gestion des investissements publics, qui comprend l'identification du projet et la planification conceptuelle, la faisabilité et l'évaluation, la sélection du projet pour la budgétisation, ainsi que d'autres étapes nécessaires. Ce processus permet d'assurer une gestion et une allocation efficaces des ressources pour les initiatives gouvernementales.


La Chine a été un partenaire clé dans la stratégie de transformation numérique du Kenya. Quelles sont les principales motivations du gouvernement kenyan pour s'engager à fond avec la Chine ?

La Chine est en effet l'un des partenaires stratégiques du Kenya dans son parcours de transformation numérique. Le Kenya s'est engagé à collaborer avec divers partenaires de développement pour réaliser son programme de développement, tout en privilégiant les intérêts du Kenya dans ces engagements.

Grâce au partenariat avec le gouvernement chinois, le Kenya a réussi à mettre en place et à développer son infrastructure TIC. Il s'agit notamment de la mise en place d'une connectivité par fibre optique, du centre national de données de Konza et du développement d'installations de villes intelligentes.

De plus, le Kenya a également bénéficié de partenariats avec d'autres partenaires de développement, notamment avec la France pour la mise en œuvre de la phase 1 de l'infrastructure dorsale nationale en fibre optique (NOFBI) par l'intermédiaire de SAGEM, avec la Belgique pour le projet de connectivité du comté du dernier kilomètre (CCP) facilité par Soulco, et avec les États-Unis dans le cadre du projet de connectivité de Google. Ces collaborations avec divers partenaires ont joué un rôle important dans l'avancement des initiatives du Kenya en matière d'infrastructure numérique et de connectivité.


Comment négocier au mieux les projets numériques avec les partenaires extérieurs ? Quelles sont les meilleures pratiques en termes de transfert de technologie, d'emploi local, de contenu local et de protection des données ? Veuillez fournir des exemples.

Tous les projets numériques poursuivis par le gouvernement du Kenya sont alignés sur nos priorités clés. Les négociations sont menées de manière proactive par l'État kényan. Elles sont basées sur les plans stratégiques du gouvernement et d'autres documents d'orientation. Il ne se contente pas de réagir aux initiatives des autres parties. Bien que cette approche puisse fonctionner dans de nombreux cas, les négociations complexes nécessitent une approche plus stratégique. Pour de telles négociations, il convient de commencer par un plan, d'identifier les limites et les frontières, de comprendre les motivations du partenaire extérieur, d'établir des relations solides, d'être flexible et de reconnaître que les positions fermes n'aboutissent souvent pas à grand-chose.

Dans le cas des projets de partenariat public-privé (PPP), il existe un service spécialisé au sein du Trésor national. Tous les projets sont en outre guidés par les processus de gestion des investissements publics, ce qui garantit une supervision et une gestion adéquates.

L'efficacité de ces pratiques dépend en fin de compte du secteur spécifique et du contexte dans lequel elles sont mises en œuvre. Toutefois, certaines bonnes pratiques générales sont applicables.

En termes de transfert de technologie, il est essentiel d'intégrer une forte composante de renforcement des capacités locales dans la mise en œuvre du projet. Cela garantit une bonne compréhension de la technologie et renforce la capacité interne à la soutenir. Il convient également de prêter attention aux licences de propriété, aux droits de propriété intellectuelle et à l'établissement d'accords appropriés entre les parties concernées.

La promotion des opportunités d'emploi local et l'utilisation de matériaux locaux est une exigence lors de la mise en œuvre du projet. Le gouvernement encourage les jeunes à suivre des cours techniques et professionnels pour se préparer à ces opportunités. Dans le même temps, des efforts sont faits pour créer un environnement de travail diversifié et inclusif qui respecte les coutumes et les pratiques locales. Il est important d'identifier et de collaborer avec le marché local et les fournisseurs de services afin de promouvoir le contenu local autant que possible. Cela permet non seulement de créer des emplois locaux, mais aussi de contribuer au développement de l'économie locale. Il est essentiel d'établir des exigences réalistes et réalisables en matière de contenu local et de fournir un soutien adéquat au marché local pour répondre à ces exigences.

Depuis la promulgation de la loi sur la protection des données en 2019, le respect des aspects liés à la protection des données est devenu une obligation légale. Les organisations doivent mettre en œuvre des mesures de sécurité robustes telles que des contrôles d'accès, le cryptage et des sauvegardes régulières pour protéger les données. Les politiques de données doivent s'aligner sur les exigences légales et réglementaires pertinentes. Il est également essentiel de former régulièrement le personnel aux meilleures pratiques en matière de protection des données et aux menaces qui pèsent sur la sécurité ; des conseils peuvent être obtenus auprès du Bureau du commissaire à la protection des données.

Dans l'ensemble, la clé de l'efficacité du transfert de technologie, de l'emploi local, du contenu local et des pratiques de protection des données est de collaborer avec les communautés locales et les parties prenantes, de comprendre leurs besoins et leurs priorités, et d'adapter les interventions en conséquence. Cette approche permet d'instaurer la confiance, de promouvoir la durabilité et d'offrir des avantages durables à toutes les parties concernées. Le Kenya a conclu des accords bilatéraux avec des pays du monde entier, des partenaires de développement et le secteur privé.


Quelle est l'approche du gouvernement kenyan en matière de souveraineté numérique ? Comment promouvoir au mieux l'établissement de normes et d’une gouvernance numérique sur des questions telles que la cybersurveillance ?

Pour le Kenya, la souveraineté numérique est un enjeu important, au même titre que l'intégrité territoriale. En effet, elle nous permet de contrôler notre infrastructure numérique, nos systèmes et nos données. Elle garantit la protection de notre sécurité nationale, de notre sécurité économique et de notre vie privée. Elle donne également au pays le pouvoir de décider de l'utilisation de ses données.

L'approche du Kenya en matière de souveraineté numérique passe par le développement d'une infrastructure numérique fiable qui englobe les réseaux, les centres de données et les applications.

Une autre approche consiste à réglementer les partenaires technologiques, en garantissant le respect de nos cadres juridiques et réglementaires, de nos politiques, de nos normes communes, de nos meilleures pratiques et de nos normes numériques pour le monde numérique. Le Kenya plaide également en faveur de la cyberdiplomatie, de l'instauration de la confiance entre les nations et de la promotion de la cyber-hygiène.

Cependant, plusieurs défis persistent, notamment les coûts élevés associés au développement et à l'entretien de notre infrastructure numérique, les difficultés à réglementer les partenaires technologiques basés en dehors du Kenya et la non-compatibilité entre les lois nationales et les normes internationales. Malgré ces défis, la souveraineté numérique reste un objectif crucial pour de nombreux pays. Le monde numérique étant de plus en plus interconnecté, il devient essentiel pour les nations d'exercer un contrôle sur leur infrastructure et leurs données numériques. Plusieurs exemples démontrent l'importance croissante de la souveraineté numérique dans le monde. L'Union européenne a mis en œuvre diverses initiatives visant à renforcer la souveraineté numérique, telles que le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la loi européenne sur la cybersécurité. La Chine a réalisé des investissements substantiels dans son infrastructure numérique, notamment dans les réseaux 5G et l'intelligence artificielle. Les États-Unis s'efforcent également de renforcer leur souveraineté numérique par des initiatives telles que la loi CHIPS (Creating Helpful Incentives to Produce Semiconductors) et la loi sur la science.

La souveraineté numérique constitue une question complexe, dont l'importance ne cesse de croître. Avec l'interconnexion croissante du monde numérique, les pays doivent garder le contrôle de leur infrastructure numérique et de leurs données pour garantir leur souveraineté.


Que pensez-vous des rivalités géopolitiques dans le secteur numérique, en particulier en ce qui concerne l'Afrique ? Dans quelle mesure cela affecte-t-il la manière dont le Kenya met en œuvre sa stratégie numérique ? Comment les gouvernements africains devraient-ils gérer cette rivalité ?

Je considère que les rivalités géopolitiques dans le secteur numérique doivent être gérées par le biais d'une concurrence pacifique. Le Kenya ne prend pas parti dans les rivalités technologiques. Par exemple, notre pays entretient des relations bilatérales cordiales avec les États-Unis et la Chine. Récemment, le Kenya a accueilli avec succès le forum d'affaires de la Chambre américaine des affaires (AMCHAM), au cours duquel le président a annoncé plusieurs engagements mutuellement bénéfiques. En tant que nation, nous restons ouverts à l'engagement avec d'autres pays qui sont désireux et capables de fournir des solutions numériques.


Quelle est la perspective kenyane sur les débats relatifs à la gouvernance des données dans les institutions multilatérales ? Quel est le levier de négociation pour les gouvernements africains dans l'élaboration du discours mondial sur la gouvernance de l'internet et des données ?

Le Kenya continue d'engager des organismes multilatéraux tels que l'Union européenne et les Nations unies sur la question du transfert transfrontalier de données et sur la nécessité d'assurer le plein respect de la loi sur la protection des données. Les débats sur la gouvernance des données au sein des institutions multilatérales sont un facteur crucial qui ne peut être laissé de côté dans le programme de transformation numérique des États membres de l'Union africaine. Le dialogue et la communication entre les acteurs étatiques et non étatiques permettent aux gouvernements africains d'avoir un pouvoir de négociation pour façonner le discours mondial sur l'internet et la gouvernance des données. Dans ces forums, nous défendons nos intérêts nationaux dans le cyberespace par la diplomatie et les politiques de cybersécurité, la protection des droits de l'homme dans le cyberespace et l'élaboration de lois internationales sur le cyberespace.


Cet entretien fait partie de la série d'entretiens intitulée "Negotiating Africa's digital partnerships" (Négocier les partenariats numériques de l'Afrique), menée par le Dr Folashade Soule auprès de hauts responsables politiques, de ministres et d'acteurs privés et civiques africains afin de mettre en lumière la manière dont les acteurs africains construisent, négocient et gèrent des partenariats stratégiques dans le secteur numérique, dans un contexte de rivalité géopolitique. Cette série fait partie du projet de recherche sur les politiques de négociation des partenariats numériques de l'Afrique, hébergé par le programme de gouvernance économique mondiale (Université d'Oxford) et soutenu par le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale (CIGI).